Auditionné par la commission d'enquête "visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France" installée à la demande des LR, Pierre Gadonneix, le PDG d'EDF de 2004 à 2009, a directement mis en cause le mécanisme de l'Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique (Arenh).
Depuis l'ouverture effective, en application d'une directive européenne, du marché de la production d'électricité à la concurrence, celui-ci impose à EDF de vendre son électricité nucléaire à ses concurrents à un trop bas prix déterminé.
"Nous étions convaincus que, s'il y avait une ouverture du marché, c'était EDF qui allait être gagnant puisqu'on avait les meilleurs tarifs d'Europe", a expliqué Pierre Gadonneix.
Un avantage compétitif que "Bruxelles et les Allemands considéraient" comme une "distorsion de concurrence" explique Pierre Gadonneix, qui dénonce une "collusion bruxelloise et allemande". Selon lui, l'Arenh était "une manière d'empêcher EDF de bénéficier de sa rente", c'est-à-dire des avantages procurés par son parc nucléaire...
Selon l'ancien PDG, "La situation [de l'entreprise] s'est dégradée parce que l'histoire de l'Arenh, cette pilule empoisonnée, a très sérieusement remis en cause le business model d'EDF, qui n'avait plus les moyens de faire des investissements non immédiatement rentables." Un état de fait qui a pour conséquence l'état actuel du parc nucléaire français: "Si vous voulez ne pas avoir de pénurie, il faut une surcapacité (...) à partir du moment où vous avez la concurrence sur le marché et la pression sur les prix, personne n'a envie de bâtir une surcapacité."
L’implacable réquisitoire d’Henri Proglio, ex-président d’EDF (entre 2009 et 2014)
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’ancien dirigeant, désormais âgé de 73 ans, n’est pas un amateur de langue de bois. Ses cibles de prédilection : l’Allemagne, l’Arenh (Accès régulé à l’Électricité nucléaire historique, instauré en 2010), les énergies renouvelables, l’Europe... Toutes ont passé un mauvais quart d’heure à l’Assemblée ce mardi 13 décembre 2022.
Lorsqu'il prend la tête de l'entreprise publique à cet instant critique où la politique d'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité, décidée par Bruxelles à la fin des années 1990, est pleinement entrée en application, EDF est exportateur d'énergie, a les prix les moins chers d'Europe (deux fois et demie moins chers que l'Allemagne).
Honneur à notre voisin européen. Bien qu’Angela Merkel ait programmé l’arrêt définitif du nucléaire civil allemand quelques semaines après la catastrophe de Fukushima au Japon, elle ne l’aurait fait que pour retirer des gains politiques, apprend-on. L’ancienne chancelière aurait confié à Henri Proglio, lors d’un dîner à Hanovre, être une « femme d’Allemagne de l’Est, une scientifique » croyant aux bienfaits du nucléaire. Elle aurait tué cette source d’énergie dans le but de signer un « accord de coalition avec les Verts conservateurs allemands ». En outre, Merkel aurait entamé l’accélération définitive de l’Energiewende, la transition énergétique allemande qui prévoyait la fin du nucléaire civil en 2022. Un mode de fonctionnement court-termiste qui n’est pas sans rappeler la politique de François Hollande par la suite.
Sauf que cette décision, lourde de sens, l’a également été de conséquences. « La transition allemande s’est transformée en catastrophe absolue » et « les énergéticiens Allemands » se sont retrouvés « à la ramasse totale ». L’ancien PDG s’anime alors : « Comment voulez-vous que ce pays qui a fondé sa richesse sur son industrie accepte que la France dispose d’un outil compétitif aussi puissant qu’EDF ? »
Écarté de son poste par François Hollande au profit de Jean-Bernard Levy, alors jugé plus en phase avec les projets de décroissance nucléaire du gouvernement, Henri Proglio a lâché la bride devant les députés, accusant ouvertement Bruxelles et « les gouvernements successifs » d'avoir délibérément saccagé, depuis 2010, le système électrique français.
Extraits des articles de Géraldine Woessner, en ligne sur lepoint.fr et de Bertrand GUYOT sur frontpopulaire.fr.